Théodora, l’ascension sans précédents d’une femme d’exception

Une historienne du monde antique

 

De Virginie Girod, on a lu Les Femmes et le sexe dans la Rome antique (Tallandier, 2013) et surtout sa biographie d’Agrippine (Tallandier, 2015), la mère de Néron. Tout le talent de l’auteur consistait à offrir un portrait juste et mesuré d’une princesse descendante d’Auguste et de Marc-Antoine, dégagé des stéréotypes et des mythes propagés autour d’elle depuis presque deux mille ans par différents auteurs et qui fit de son fils le moyen de son ambition. L’entreprise est similaire avec la figure de Théodora, épouse de l’empereur byzantin Justinien.

 

Une gamine de Constantinople

 

Le problème ici ce sont les sources. La source principale pour le règne de Justinien réside dans l’œuvre de Procope, haut fonctionnaire proche du général Bélisaire, qui a donné à la fois La Guerre contre les Vandales et surtout L’Histoire secrète, pamphlet violent rédigé contre le couple impérial. Procope fait de Théodora une femme vicieuse, ancienne actrice et prostituée, issue des basses couches de la société byzantine. Et il est vrai qu’elle est la fille d’un montreur d’ours de l’hippodrome, affilié d’abord à la faction des Verts. Théodora, comme ses sœurs, se produisait dans la rue, offrant des spectacles de mimes. Il est avéré également, en confrontant Procope à d’autres sources, qu’elle devint très jeune une courtisane, une prostituée de haut rang qui frayait avec de hauts dignitaires.

 

Une impératrice redoutée

 

Sa chance fut de rencontrer Justinien, l’héritier désigné du vieil empereur Justin. Le futur César tomba amoureux d’elle, en fit sa maîtresse et l’épousa. Lui qui aurait pu prétendre à des filles d’aristocrates préféra une courtisane. Là réside sans doute une des racines du mépris de Procope envers Théodora comme l’indique Virginie Girod. On a du mal, à quinze siècles de distance, à se représenter l’audace de Justinien. En tout cas, ce couple régna ensemble et ce fut Théodora qui, par sa fermeté, sauva le trône de l’empereur lors de la sédition « Nika » de 532. Voir une femme avoir autant d’influence, protégeant aussi les chrétiens monophysites contre l’église officielle orthodoxe fut certainement une des raisons de la haine séculaire vouée à Théodora par les élites intellectuelles byzantines.

 

En tout cas, voilà un personnage étonnant à redécouvrir.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Virginie Girod, Théodora, Tallandier, février 2018, 304 pages, 20,90 euros

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