Le jeu de la rumeur, la haine et la guerre
Thomas Mullen s’est fait connaître du public des « polareux » avec une trilogie se passant dans la police d’Atlanta dans les années cinquante, commencée avec Darktown (Rivages, 2016), poursuivie avec Temps noir (Rivages, 2017) et terminée avec le splendide Minuit à Atlanta (Rivages, 2020). Les éditions Rivages publient cette année Le jeu de la rumeur qui nous entraîne en pleine guerre à Boston.
Quelque chose de pourri sévit à Boston
1943, la guerre est à un tournant. Anne Lemire est une journaliste à qui on a confié une rubrique, « la Clinique des rumeurs » démontant les rumeurs les plus folles qui circulent dans cette période troublée.
« Sur la peau d’Anne, le soleil semblait brûler avec malveillance, mais elle savait que cette longue marche en vaudrait la peine car elle n’ignorait pas qu’il est toujours préférable de regarder un menteur en face. »

A moitié juive, Anne enquête sur des rumeurs de bagarres et d’agressions menées contre la communauté juive de Boston. Elle finit par apprendre qu’une organisation, La légion chrétienne, répand des pamphlets antisémites, parfois avec la complicité inconsciente de certains juifs américains. Pendant ce temps, l’agent du FBI Devon Mulvey mène des investigations dans une usine d’armement où des fusils ont disparu. Sans compter le meurtre d’un ouvrier juif. Cela le change des dimanches où il passe voir des ecclésiastiques d’origine irlandaise tentés (encore) dans leurs prêches par un pacifisme teinté d’antisémitisme… sa route croise celle d’Anne, qu’il a connu dans son enfance. C’est le coup de foudre. Mais leurs histoires croisées vont finir par les séparer… et aussi à révéler bien des ennuis, particulièrement pour Devon dont la famille, prisonnière de ses préjugés, va le trahir éhontément.
Un labyrinthe d’intrigues
Le jeu de la rumeur voit se croiser plusieurs histoires. D’abord celle de Devon, un irlando-américain typique devenu G-man, croyant dans son boulot de flic mais confronté à la corruption et à la compromission, y compris au sein de sa propre famille (je vous laisse lire). Anne, idéaliste pur sucre, ne supporte pas cette situation et mène la vie dure à son amant tout en cherchant à découvrir la vérité et à battre les apprentis fascistes du coin. On voit aussi des gangsters pactiser avec le gouvernement, des prêtres pronazis… Bref, Boston en 1943 était un endroit où il fallait être quand on lit Mullen et qu’on adore les thrillers. Notre auteur remporte en tout cas la mise : un bon roman à lire.
Sylvain Bonnet
Thomas Mullen, Le jeu de la rumeur, traduit de l’anglais par Pierre Bondil, Rivages, février 2025, 512 pages, 24 euros