France/Algérie, anatomie d’une déchirure
Duo d’historiens
Professeur devenu journaliste, Thomas Snégaroff est actuellement l’animateur de l’émission C Politique sur France 5. Il est cependant resté historien et on lui doit quelques ouvrages bien écrits comme Little Rock 1957 (Tallandier, 2018) et Dans l’intimité des présidents américains (Tallandier, 2024). Il fait ici équipe avec l’historien Benjamin Stora pour un ouvrage sur la relation volontiers passionnelle entre la France et l’Algérie, construite sous la forme d’un dialogue entre les deux hommes.
De la conquête à l’indépendance

Benjamin Stora est un spécialiste de l’histoire de l’Algérie coloniale et de la guerre d’Algérie. Il retrace donc avec beaucoup de clarté la prise d’Alger (ordonnée par un des pires rois de France de l’histoire) puis la guerre menée contre l’émir Abd el-Kader, ainsi que les violences perpétrées par l’armée française. Si la France s’installe durablement en Algérie, si une colonie de peuplement (une des seules de l’histoire coloniale française) s’épanouit, il faut noter à la suite de Benjamin Stora et de Thomas Snégaroff que les Arabes d’Algérie, les fameux « indigènes », n’ont jamais accepté ce qui pour eux une occupation. En 1871, une révolte éclate et est difficile à réprimer. L’Algérie est départementalisée mais jamais complètement pacifiée. Des mouvements réformistes naissent dans l’entre-deux guerres mais sans jamais déboucher sur la participation des masses arabes à la vie politique. C’est à cette période que Messali Hadj fonde le nationalisme algérien, celui-là même qui amènera à la Toussaint Rouge et l’insurrection.
Depuis 1962
L’indépendance est acquise en 1962 avec les accords d’Evian. Les pieds noirs arrivent en France, c’est le drame qu’on connaît. Parallèlement, de nombreux algériens bénéficient d’une liberté de circulation qui leur permet de travailler en France durant les trente glorieuses (l’immigration de travail avait commencé dès le début du XXe siècle. Aujourd’hui, des millions de Français ont un lien, parfois malgré eux, avec l’Algérie. La relation entre les états est aujourd’hui abîmée et empoisonnée par la séquestration arbitraire de Boualem Sansal et Christophe Gleizes. Mais l’histoire entre les deux pays, passionnelle, continue.
Sylvain Bonnet
Thomas Snégaroff & Benjamin Stora, France/Algérie, Les Arènes, octobre 2025, 200 pages, 17 euros
