Wildwood, à travers les forêts du monde

Roger Deakin fait partie de ces Anglais un peu excentriques, à qui rien n’est impossible, et surtout pas la plus plaisante originalité. C’est ainsi qu’au début du siècle, il s’est mis en tête de voyager à la nage, visitant le Royaume Uni à travers rivières, canaux, lochs et étangs. Cette équipée singulière fut contée dans son Journal d’une aventure en eaux libres. Ouvrage lui valut d’être un écologiste très écouté dans son pays. Ce même amour de la nature l’a conduit à visiter diverses forêts, principalement en Europe et en Australie, nouvelles aventures riches en belles rencontres, racontées dans A travers les forêts du monde qui vient d’être traduit en français. 

Du bonheur de s’émerveiller

Roger Deakin a cet agréable talent de savoir s’émerveiller du chant de la fauvette noir, de la belle tournure d’un bois flotté, d’une toile d’araignée dans le soleil du matin, ou du vol mystérieux d’un papillon de nuit. Mais ce sont les arbres, qui, partout, retiennent son attention et son amour, fut-ce dans un modeste bosquet. 

Voit-il une allée d’ormes plantée au XVIIIe siècle ? Il comprend aussitôt qu’ « un espacement entre eux a été spécifiquement calculé pour que les écureuils n’aient jamais à descendre au sol ». Remarque-t-il un massif de jacinthes sauvages ? Il note alors « une beauté préraphaélite particulière de la plante, qui pend la tête en bas, en donnant à la tige la forme d’une houlette de berger ». On appréciera ainsi le chapitre consacré aux saules du Suffolk, qui donnent le meilleur bois du monde pour les battes de criquet ! Et on découvrira avec lui un genre de noyers si beaux, que seuls ils peuvent fournir le bois du tableau de bord de la Jaguar !

L’âme d’un naturaliste

A ces considérations purement botaniques, Roger Deakin ajoute la fine observation du naturaliste, qui, chemin faisant, ne peut s’empêcher de décrire un vol d’étonnants corbeaux blancs, le « cacardement plaintif » des oies à bec court, la « férocité du bec » du fulmar boréal, ou le vol planant du grand cacatoès. Cela soustrait un peu de monotonie à un propos qui serait uniquement forestier. Mais c’est surtout un humour typiquement anglais qui épice continument l’ouvrage, même sur les sujets les plus sérieux ; car l’auteur est bien conscient qu’un message qui amuse passe beaucoup mieux qu’un message qui ennuie. Et cela n’enlève rien aux données scientifiques dont il émaille aussi son texte, comptant par exemple 1 200 variétés d’osiers en Grand Bretagne, ou onze millions d’oliviers sur l’ile de Lesbos !

Reste que l’écrivain n’a pas fait ce que sit faire le bon sylviculteur, c’est-à-dire : élaguer. Son livre est alourdi de petites anecdotes fumeuses, de citations innombrables pour nous montrer qu’il a tout lu, et d’historiettes intempestives sur les rois et ducs de jadis. Sur ce thème, Shakespeare a fait beaucoup mieux. Mais Shakespeare n’a pas parlé aussi bien des arbres que Roger Deakin. Alors grâces soient rendues à ce voyage sensible et charmant A travers les forêts du monde

Didier Ters

Roger Deakin, Wildwood, A travers les forêts du monde, traduit de l’anglais par Frédéric Le Berre, éditions Hoëbeke, mai 2021, 490 pages, 23 eur

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