Anthologie des dystopies, les mondes indésirables de la littérature et du cinéma

Anthologie des dystopies

Lorsque j’ai ouvert l’enveloppe et découvert le titre de l’ouvrage, j’ai fait un bond en arrière qui aurait pu avoir des conséquences désastreuses si je n’avais été assis. J’avoue n’avoir jamais lu, vu, entendu le mot dystopie. Ou alors dans un état éthylique qui s’est effacé de ma mémoire. De ce fait, n’écoutant que mon courage, j’ai foncé sur le Petit Larousse qui me suit depuis mon enfance. Point de dystopie. Et le Robert ? Pas plus ! Diantre. Il ne me restait plus qu’Internet. Et là, l’incontournable (quoique pas du tout infaillible) Wikipédia me fournit la réponse tant attendue : « Une dystopie est un récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu’elle empêche ses membres d’atteindre le bonheur. Une dystopie peut également être considérée, entre autres, comme une utopie qui vire au cauchemar et conduit donc à une contre-utopie. » C’est clair, non ?

Si l’auteur de cet ouvrage n’avait pas été Jean-Pierre Andrevon — dont j’ai salué le talent et l’érudition avec son Encyclopédie de la guerre au cinéma (qui, depuis, a reçu un prix au Festival du film de Pessac) — je ne me serai pas donné la peine d’y jeter un œil. D’abord parce que je craignais l’analyse pompeuse style appointé du CNRS, ensuite parce que je ne suis pas très fan de science-fiction, hormis les grands classiques. Et hormis Apocalypse 2024 qui est un des films qui m’a le plus marqué !

Une liste des mondes futurs

Pour faire court, Andrevon dresse la liste des œuvres qui ont décrit un monde futur. Un futur qui, pour nous citoyens de 2020, fait parfois partie du passé (voir l’incontournable 1984 de George Orwell). L’auteur suit deux axes principaux : la littérature et le cinéma, plus quelques axes secondaires dont la bande dessinée et la télévision. Volontairement a été exclue la science-fiction fantasy, donc n’espérez pas y retrouver vos super-héros favoris.

Tout cela est redoutablement documenté, avec des extraits d’ouvrages et des descriptions de films très précises. Il est démontré que certains auteurs ont été, plus ou moins, des visionnaires et que la plupart ont fait preuve d’un pessimisme assez logique. Qu’il s’agisse de la surpopulation, de l’omniprésence des robots, ou des « méfaits de la religion » (titre d’un des chapitres), le futur s’annonce rarement rose.

Le panorama est précis, infaillible. Tout est classé par thèmes. J’avoue que j’aurais préféré une mise en forme style encyclopédie comme Andrevon l’a fait. D’autant que ce livre manque d’un index qui se serait révélé très précieux. Néanmoins livres et films sont au rendez-vous, des classiques aux inconnus, des magnifiquement construits aux boiteux. George Lucas y est présent non avec sa saga Star Wars mais avec son surprenant et visionnaire THX 1138. Bien sûr, Brazil, Orange mécanique et autres Mad Max font partie du lot.

Andrevon ne s’intéresse qu’à leur contenu. Il ne vous raconte jamais les conditions de tournage, ne vous dira pas que Running Man (d’après Stephen King) s’est pris un méga procès dans les gencives pour contrefaçon (du Prix du danger d’Yves Boisset)… qu’il perdit ! Le sujet, rien que le sujet.

quelle érudition !

Il est impossible de prendre en faute l’érudition de l’auteur, tant elle est époustouflante. Néanmoins, je ne peux m’empêcher de traquer les petites bêtes. Et j’en ai trouvées ! Insignifiantes, certes. Se rapportant à l’orthographe. Le père de James Bond se nomme Fleming avec un seul m, vu qu’il n’a pas fondé la biologie cellulaire ; le cinéaste Joseph Sargent ne prend pas de a supplémentaire à son patronyme ; et Oskar Werner préfère un k à son prénom pour le différencier d’une célèbre statuette. Rien de grave mais je ne suis pas mécontent de mes trouvailles.

Pour terminer, cette érudite anthologie s’adresse à tous les amateurs de vraie science-fiction mais aussi, plus généralement, à tous ceux qui s’interrogent sur l’avenir de notre bonne vieille planète et sur le comportement de nos congénères qui se montrent plus cons que génères.

Je me demande quel sujet abordera prochainement M. Andrevon. J’ai hâte de le découvrir. Mais, par pitié, optez pour un titre plus « commercial » et qui ne donne pas envie de jeter le livre dans la corbeille des pensums intellos. 

Philippe Durant

Jean-Pierre Andrevon, Anthologie des dystopies, les mondes indésirables de la littérature et du cinéma, Vendémiaire, janvier 2020, 341 pages, 26 eur

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