Ma vie sera pire que la tienne

Entretien

Comme toutes les bonnes choses n’ont pas toujours une fin, Williams Exbrayat a eu la gentillesse de se prêter au petit jeu de l’entretien que voici

J’avoue ne vous avoir découvert que grâce à ce dernier roman. Pourquoi avoir fait une pause sur la série Maddog ? Envie d’autre chose ? (il est quand même mentionné une fois dans ce roman, ce qui prouve qu’il n’est pas tombé aux oubliettes?)

Il y a des tas de raisons, mais la plus importante, est que j’avais envie d’écrire un bouquin un peu différent de la série Maddog (qui met en scène un détective immoral et gouailleur). Je souhaitais casser la linéarité du récit, jouer avec les registres de langue et proposer un roman noir qui ne se complaise pas dans le glauque, bien qu’il aborde des sujets lourds (le thème central est la violence dans toutes ces acceptions). Une idée à la con, sans doute ! Il y a en effet un clin d’oeil à Maddog dans le roman. On fait la connaissance de son père. Maddog reviendra un jour pour de nouvelles aventures, mais pour l’heure, je continue à m’exercer un peu loin de lui, mais c’est pour mieux le retrouver plus tard. Maddog constitue une récréation pour moi et les lecteurs.

Le rythme est effréné, le lecteur est sans cesse bousculé à droite et à gauche. Vous aviez déjà la trame des rebondissements qui allaient intervenir où cela vous vient au fur et à mesure?

Jamais de plan.C’est mon secret. Je disposais juste d’un cahier des charges en trois points : 1/ surprendre le lecteur ; 2/ écrire un roman très noir à la tonalité légère ; 3/ il n’y a pas de point trois. Je plaisante. Du rythme, toujours du rythme. Mon ambition sur Ma vie sera pire que la tienne est double : rendre hommage à la littérature noire américaine en la transposant dans un contexte français, en particulier la campagne, et proposer une écriture visuelle qui peut rappeler l’univers des premiers films de Tarantino. Du pulp à la française, en somme !

D’où vient Disco Boy, l’animal stupide qui ne sert à rien mais qui est la mascotte du roman ?

Disco Boy est un chien alcoolique. C’est la mascotte de mon bouquin. Tout le monde l’adore alors qu’il passe son temps à faire des conneries. Son nom vient de mon cerveau dérangé. Je trouvais que cela sonnait bien. Ce personnage est inspiré de Fire Ball, le chien amateur de bières dans Le Dernier baiser de James Crumley. Je me suis fait plaisir sur mon dernier roman avec les prénoms : Mycose, Sale Connard, Daron, Sahora, etc. C’est mon esprit punk !

Une suite prévue ? Déjà en cours ? Quels sont les prochains projets ?

Vu que je n’ai pas dégommé tous mes personnages principaux, on me pose souvent la question. La réponse est… Laissons une peu de surprise ! Sinon, pour les projets, je viens de terminer un recueil de nouvelles entre littérature noire et littérature blanche : les mages intimes. C’est plus psychologique que mes écrits précédents. Je suis parti de la définition du mot « intime » dans le Larousse : qui est au plus profond de quelqu’un, de quelque chose, qui constitue l’essence de quelque chose et reste généralement caché, secret. J’ai ajouté des personnages en rupture, en marge, ou mis au ban de la société (ma marotte). J’ai mélangé le tout et voilà des histoires à lire et j’espère, à réfléchir. Je vous vois venir. Non, ce n’est pas chiant. Promis, juré, craché! J’attaque la rédaction d’un roman qui se passera dans le Montana. L’écriture est pour moi une démarche artistique, donc je tente des choses, je cherche, j’expérimente, mais j’essaye de ne jamais oublier le lecteur. Mon travail est un peu atypique comme mes personnages. Parfois des lecteurs et des chroniqueurs acceptent d’entrer dans mon univers. Je les en remercie.

Pourquoi l’autoédition pour ce dernier roman ?

Mon bouquin n’a suscité aucun intérêt chez les éditeurs. Il me semblait pourtant qu’il y avait un petit quelque chose, et cette croyance à ce petit quelque chose a fait que je me suis lancé dans l’autoédition. Attention, je suis peut être la personne la moins adaptée pour cela, mais avec les conseils avisés d’auteurs indépendants, j’y suis arrivé. Ce n’est pas toujours simple d’être autoédité. C’est beaucoup de travail (en plus d’un vrai travail, en parallèle) et c’est difficile d’être présent dans les librairies et les bibliothèques. Pas mal de chroniqueurs ne veulent pas entendre parler d’auteurs indépendants. Mais pas tous. Merci à eux (vous) de considérer que la littérature ne se résume pas qu’aux rentrées littéraires et aux auteurs connus, reconnus, etc. Les autoédités, c’est aussi un vent de fraîcheur ! Bizarrement, j’ai des chroniques bonnes et j’ai même gagné un prix littéraire (Prix du balai de diamant décerné par le concierge masqué) avec un jury composé de blogueurs qui chroniquent majoritairement des livres édités. Ma vie sera pire que la tienne n’est pas parfait ; il a des partis pris qui ne plairont pas à tout le monde , des aspérités qui auraient pu être gommées par un travail éditorial, mais d’un autre côté, il ne laisse pas indifférent. Ce n’est pas si mal. Je propose de la littérature bio, sans adductions, sans volonté de flatter le lecteur avec une recette toute faite, à la marge des courants et des modes. Ma vie sera pire que la tienne se présente comme un fruit à la drôle de gueule, mais quand on croque dedans, il a le goût de l’authentique, de l’artisanat, d’une vision d’auteur. Bref, c’est le résultat du travail d’un indépendant qui ne peut s’exprimer que sur des plateformes commerciales qui sont à priori antinomiques  avec ce type de produit. C’est là tout le paradoxe.

Propos recueillis par Minarii Le Fichant

retrouver Williams Extrayat sur sa page Iggybook

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