Romans sur le monde inhumain de l’entreprise

hypermarché — Ressources inhumaines de Frédéric Vignier

La vie d’un hypermarché bat au rythme de l’humanité manipulée.
Et cela fait vingt ans qu’elle participe à cette manipulation.

Elle attend et n’exige rien du destin. Elle laisse glisser les heures, elle ne participe pas, elle est là, peu influente, jamais déterminante et sans rancune. Elle est en parallèle, attentive, mais pas impliquée.

« Elle », c’est cette jeune femme de 22 ans qui entre comme stagiaire au rayon textile d’un hypermarché, pour y devenir très vite chef de secteur. C’est cette « femme sans qualité » dénuée d’ambition, qui cherche juste à combler le vide abyssal de sa vie. En acquérant un statut, elle quitte les rives de son existence banale pour faire enfin partie d’un monde. Celui de la grande distribution. Univers absurde, construit sur le vide et les faux-semblants. 

Frédéric Viguier signe un premier roman implacable, glaçant et dérangeant sur l’inhumanité de l’entreprise et l’indifférence ambitieuse. Au vide moral, affectif et intellectuel de son héroïne, il répond d’une écriture sèche et minimaliste. D’une lucidité cruelle mais sans cynisme, Ressources inhumaines donne à voir avec subtilité et intelligence les mécanismes de notre société de consommation.

Frédéric Viguier, Ressources inhumaines, Albin Michel, août 2015, 19 eur

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Le modèle japonais — Stupeur et tremblements d’Amélie Nothomb

Au début des années 1990, la narratrice est embauchée par Yumimoto, une puissante firme japonaise. Elle va découvrir à ses dépens l’implacable rigueur de l’autorité d’entreprise, en même temps que les codes de conduite, incompréhensibles au profane, qui gouvernent la vie sociale au pays du Soleil levant.
D’erreurs en maladresses et en échecs, commence alors pour elle, comme dans un mauvais rêve, la descente inexorable dans les degrés de la hiérarchie, jusqu’au rang de surveillante des toilettes, celui de l’humiliation dernière. Une course absurde vers l’abîme — image de la vie —, où l’humour percutant d’Amélie Nothomb fait mouche à chaque ligne.

Stupeur et tremblements a reçu le Grand prix du roman de l’Académie française 1999 et a été adaptés cinéma par Alain Corneau en 2003 avec Sylvie Testud dans le rôle de la narratrice.

Amélie Nothomb, Stupeur et tremblements, Le Livre de Poche, juin 2001 (Albin Michel, 1999), 186 pages, 6,20 eur

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